L'ATTACHEMENT
L'attachement, un besoin primaire
La théorie de l'attachement peut se formuler ainsi: la construction des premiers liens entre l'enfant et la mère, ou celle qui en tient lieu, répond à un besoin biologique fondamental. Il s'agit d'un besoin primaire, c'est à dire qu'il n'est dérivé d'aucun autre.
S'il en est bien ainsi, on doit abandonner la théorie selon laquelle la nourriture est le seul besoin originel, dont la satisfaction entraîne ultérieurement la création d'un lien libidinal avec la nourrice selon cette conception classique. L'attachement à la mère serait une "prime de plaisir" s'ajoutant au plaisir de la nourriture. En termes Freudiens, la libido s'appuierait, s'étayerait sur la pulsion d'auto-conservation, sur le besoin de nourriture.
Si la théorie de l'attachement est exacte, on peut dire aussi que le besoin et la recherche d'autrui ne sont pas le résultat d'un apprentissage. Ils sont inscrits dès la naissance dans l'économie de l'individu. L'enfant est un être social dans une économie biologique et cette sociabilité s'exprimerait donc dès les premières réactions.
L'origine d'une découverte
Cette théorie, avec les travaux d'Harlow et de Bowlby, arrive à maturité en 1958. C'est vers cette date que le terme d'attachement est proposé pour le distinguer sinon l'opposer à la notion d'Objet libidinal, et à celle de dépendance émotionnelle, développées par les théoriciens de l'apprentissage. Cet aboutissement vient de loin, de la convergence de deux traditions de recherche. L'une est celle de l'éthologie et l'on connaît les recherches faites tout d'abord sur les oiseaux nidifuges et qui ont montré que les petits s'attachaient dès les premières heures de la vie par une sorte de tropisme à la mère, ou à un substitut de la mère, ou même au premier mobile que voyait et suivait le petit. L'autre tradition est celle des recherches sur le nourrisson et son attachement à la mère, inaugurées par René Spitz dans les années 1940. Celui-ci observe que le petit enfant séparé de sa mère présente souvent un syndrome grave, les réactions à la perte de la mère apportant la preuve négativement que l'Objet libidinal était déjà constitué pour lui.
Une jonction s'est faite entre ces deux courants, une sorte de chassé-croisé: les psychologues de l'animal ont repris les observations, les idées de Spitz, et ont procédé eux aussi à l'observation des effets de la séparation mère-enfant chez l'animal. On a ainsi abouti à la description d'un syndrome assez comparable à celui observé chez le petit enfant.
En sens inverse, les psychologues de l'enfance et notamment des psychanalystes tels que Bowlby se sont interrogés: puisque le petit animal, disent les éthologistes, est dès la naissance orienté vers l'autre, vers le "socius", n'existe t'il pas également chez l'enfant la même orientation inscrite en quelque sorte dans son équipement biologique? Jusqu'alors on considérait couramment que le besoin social n'était qu'une pulsion secondaire. N'est-il pas comme pour certains animaux un besoin primaire?
Les chercheurs sont parvenus à dresser un inventaire des différentes réactions de l'enfant envers la mère, inventaire qui a d'ailleurs été comparé à ce moment-là aux inventaires établis par les éthologistes. Cris, recherche de contacts peau à peau, recherche de la chaleur, suivre des yeux et surtout -ce qui a donné lieu à des recherches extrêmement minutieuses- le rôle du sourire. On a découvert que l'apparition du sourire était beaucoup plus précoce qu'on ne le pensait et que, dès l'âge de trois à quatre semaines, le sourire établissait déjà une communion, une communication entre l'enfant et la mère. Pour l'enfant qui ne peut pas se déplacer, le sourire constitue un contact à distance, un appel. N'était-il pas un équivalent moteur fonctionnel de la "conduite de poursuite" qu'on observe chez le poussin, ou de la conduite d'agrippement observée chez certains singes et notamment le rhésus?
La publication de ces travaux a alors provoqué une explosion de recherches en ce sens, en Angleterre, au Canada, aux États-Unis. Il y eut au moins sept grands instituts qui se consacrèrent essentiellement à des recherches sur la première année de la vie et qui mirent en collaboration des psychanalystes, des théoriciens de l'apprentissage, des psychologues de l'enfant... etc. La théorie originelle de l'attachement avait été le résultat d'une rencontre entre une spéculation et une observation clinique: les critères n'en étaient pas précis. Il s'agissait alors de mener des travaux plus rigoureux et de suivre minutieusement des dizaines d'enfants dès la naissance.
Il est intéressant de signaler que la théorie classique admise par tous n'avait jamais, pas plus chez les théoriciens de l'apprentissage que chez les psychanalystes, donné lieu à des recherches empiriques. Ce sont justement les travaux d'Harlow et de Bowlby qui ont amené les théoriciens de l'apprentissage à faire des recherches très systématiques dès les premiers jours de la vie.
Les méthodes
Comment mettre en évidence l'existence de l'attachement, d'Objets d'attachement et l'âge d'apparition de ces Objets?
Plusieurs recherches ou méthodes sont utilisées:
étudier les effets de la séparation. Ce sont les observations premières de Spitz qui ont été répétées et confirmées par d'autres auteurs;
étudier les effets de l'éloignement momentané. Il s'agit de créer des situations non traumatisantes qui répètent des situations naturelles: la mère s'éloigne de l'enfant, la mère se promène avec l'enfant dans un landau et elle laisse le landau sur un trottoir pour entrer dans un magasin... etc. Plusieurs auteurs et tout d'abord H. R. Schaffer, ont mis au point un certain nombre de situations et ont mesuré l'intensité des protestations de l'enfant (avec comme définition opérationnelle du "besoin d'attachement" la recherche ou le maintien de la proximité);
étudier les réactions de l'enfant en présence d'étrangers. On considérait comme preuve d'existence d'Objets d'amour le fait qu'à partir d'un certain âge l'enfant réagit de façon négative ou différente en présence d'un étranger (mais l'hypothèse n'est pas si simple).
Voilà donc trois types de techniques qui ont été diversifiées et appliquées dans des conditions extrêmement variables.
Comment d'autre part analyser la genèse, la création de ces liens? C'est ici sans doute que les théoriciens de l'apprentissage et les psychanalystes de la prime enfance ont le plus étroitement collaboré. Pour ce second type de problème la méthode consiste en l'observation longitudinale des diverses réactions et conduites (cris, pleurs, sourires... etc.) présentées par l'enfant dès sa naissance. On observe également au cours de ces recherches la conduite de la mère, du père, de telle ou telle autre personne de l'entourage dans l'hypothèse que cette création de liens s'opère dans un "système d'affection", comme dit Harlow à propos des animaux, et non pas sur la seule initiative de l'enfant.
Dès sa naissance, de jour en jour, de semaine en semaine, avec des variantes expérimentales, on tente de savoir quels sont les stimuli efficaces pour le déclenchement du sourire, stimuli auditifs dans les tout premiers jours de la vie, stimuli visuels, mouvements, quelles sortes de mouvements... etc. On établit des comparaisons suivant le milieu éducatif, les méthodes éducatives, l'importance de la fratrie, le nombre de personnes qui entourent l'enfant, les attitudes maternelles ou de maternage extrêmement variées. La recherche, partie d'abord de populations non-différenciées, s'est engagée dans des analyses de plus en plus fines, de plus en plus individualisées. On constate par exemple qu'en général l'enfant recherche le contact physique, les caresses, mais qu'un nombre non négligeable d'enfants les tolère mal, sans être pour autant 'anormaux'.
Faits et hypothèses :
En ce qui concerne le premier type de problème (l'apparition de l'attachement), on est parvenu à décrire une genèse en plusieurs stades. Le dernier stade, le plus facile à définir apparemment, est qu'à partir de six ou sept mois l'enfant établit des attachements différenciés. L'apaisement pour l'enfant qui pleure est produit par une ou quelques personnes familières à l'exclusion de toutes les autres. Dans les mois qui précèdent, l'apaisement est obtenu par l'apparition de n'importe qui, on appelle cela l'attachement indifférencié ou l'attachement supra-individuel: l'enfant est calmé par la présence d'une personne quelle qu'elle soit. Il semble que le bébé soit apaisé dans les deux premiers mois de la vie par toute stimulation sensorielle et non par le contact ou la présence d'individus. L'enfant, dit-on, incapable de produire lui-même des changements de stimulations, incapable d'initiatives motrices importantes, supporte mal la monotonie sensorielle. Par exemple, l'enfant mis devant un mur blanc réagit négativement au bout de quelque temps. Il suffit alors de faire mouvoir les rideaux pour que l'enfant se calme.
Dans ces conditions-là, on peut se demander si on ne revient pas à une théorie de l'étayage qui consisterait à dire que le besoin d'autrui est appris par l'intermédiaire du maternage, d'une nourriture. Mais il s'agirait ici d'une nourriture particulière, la nourriture sensorielle. On pourrait donc conclure que dans les deux premiers mois de la vie ce n'est pas la présence d'autrui qui est importante mais cette nourriture sensorielle: l'enfant réagissant négativement à la monotonie, il faut rompre cette monotonie, et d'ailleurs les mères sans avoir fait d'études de psychologie, savent très bien comment calmer un enfant en produisant à côté de lui des stimulations de tous ordres.
Des études plus fines ont assoupli ce schéma en termes de stades. Comme d'habitude, une théorie des stades est toujours très contestable: elle peut être utile à un certain moment de la recherche mais elle risque d'effacer ce qui est souvent essentiel, à savoir la connaissance des préparations des conduites futures, de ce qu'on peut appeler les préludes.
La considération du besoin de stimulations sensorielles, besoin qui apparaît comme dominant sous le critère de l'apaisement dans les premières semaines de la vie, ne doit pas nous masquer l'amorce d'une conduite très précoce, le sourire, qui est probablement le prélude des conduites d'attachement qui deviendront elles mêmes dominantes vers l'âge de deux mois.
On sait maintenant que le sourire s'ébauche dès les premières heures de la vie, entre la troisième et la quinzième heure, selon les enfants, qu'il ne concerne alors que les muscles de la bouche (nous revenons à l'oralité peut être) et que dans les jours suivants, la morphologie du sourire s'élargit, gagne les yeux, différents stimuli provoquent alors automatiquement le sourire, la voix à une certaine hauteur de ton qui correspond au registre féminin, puis des stimuli visuels comme le visage, les yeux.
Il ne s'agit pas encore d'une réaction à une personne. L'enfant n'a pas encore construit un tel Objet. On le stimule avec différentes sources sonores, de différentes hauteurs, voix enregistrées, sonnettes... etc. On voit à quoi il réagit, à quoi il ne réagit pas. On utilise aussi des leurres et on constate que l'enfant à partir d'un certain âge réagit à la forme du visage. Il fixe d'abord la ligne des cheveux et puis c'est le mouvement des yeux qui déclenche à coup sur le sourire.
Les mécanismes seraient donc innés, le sourire appartient à l'homme et d'ailleurs différentes recherches ont montré que chez l'enfant aveugle le sourire jusqu'à un certain âge se développe comme chez l'enfant voyant. On sait également que dès l'âge de trois mois la 'réaction sourire' à l'étranger n'est pas la même en fréquence et en intensité que celle à la mère ou à une personne familière. Entre cinq et quinze semaines, il est impossible de distinguer une différence entre le sourire à la mère et le sourire à une personne étrangère, alors qu'à partir de quinze semaines la différence est incontestable.
On peut donc déduire :
que les conduites d'échange, que le tissage des liens commencent dès le premier mois de la vie. On peut fort bien admettre cependant que la recherche des stimulations sensorielles est alors le trait dominant, mais l'un n'exclut pas l'autre, toutes les conduites du sourire prouvant qu'un autre processus se développe simultanément;
A propos de la discrimination mère/étranger, on sait que les choses sont beaucoup plus complexes qu'on ne l'imaginait du temps de Spitz. L'Objet d'attachement défini par les critères de protestation quand la mère s'en va et d'apaisement quand la mère revient, existe plusieurs mois avant que n'apparaissent les réactions négatives à l'égard de l'étranger. Les réactions négatives à l'étranger, et pas nécessairement de peur d'ailleurs, se produisent deux ou trois mois après que les critères d'existence de l'Objet libidinal, de l'Objet d'amour, soient acquis.
Les toutes premières réactions à l'égard de l'étranger sont beaucoup plus souvent d'étonnement, de curiosité, de plaisir, que des réactions d'évitement et de peur, sauf lorsque le contact est proche. On constate qu'à huit mois l'enfant n'a pas peur lorsque l'étranger est à une certaine distance de lui (un mètre ou deux). Lorsque l'étranger s'approche et établit un contact physique, un certain nombre d'enfants ont des réactions négatives qui sont encore minoritaires à l'âge de dix mois. Ce n'est que vers treize mois qu'on note des réactions négatives chez la majorité des enfants. La notion d'angoisse du huitième mois, avec l'interprétation que Spitz en donnait, est donc rejetée par tous les observateurs psychanalystes de la prime enfance. De toute façon, il n'y a pas simultanéité d'apparition des signes positifs de l'Objet d'attachement et de réactions négatives à l'égard de l'étranger. D'autre part, la réaction de peur caractérisée est plus tardive qu'on ne le pensait (elle est d'ailleurs différentielle suivant qu'il s'agit de garçons et de filles) et la réaction se produit au moment où l'étranger s'approche pour toucher l'enfant et le prendre.
Il faut enfin ajouter que les enfants n'ont pas qu'un seul Objet d'attachement: il semble que vers sept mois, lorsque l'attachement apparaît, dans 70% des cas il s'agisse effectivement de l'attachement à une seule personne, et dans 40% de la population étudiée cette personne est la mère. Dans un pourcentage non négligeable, le père, ou d'autres personnes sont aussi Objets d'attachement.
Il n'y a donc pas un seul Objet d'attachement, cet Objet n'est pas nécessairement la mère, ce peut être une personne qui ne s'occupe pas continuellement de l'enfant. Il faudra de longues semaines, de longs mois pour construire cet Objet d'attachement dans une sorte de lente imprégnation. Et enfin, quatre mois environ après la création du premier Objet, pour la majorité des enfants il y a au moins deux Objets d'attachement: le père et la mère.
Questions ouvertes à propos de l'attachement
La notion d'attachement n'est plus contestée mais on peut diverger d'interprétation. L'attachement est "appris" et c'est le besoin qui serait inné mais non l'attachement lui-même. Il y a à se demander comment l'enfant passe de l'attachement au détachement. Après avoir été lié à la mère, après avoir créé cet Objet d'amour, il acquiert en dépit ou grâce à lui, son autonomie par rapport à la mère, son indépendance. Ceci a été étudié chez l'animal et encore par Harlow de très belle façon. Il nous montre comment le petit rhésus, à partir d'un certain âge, vers deux mois (il peut déjà marcher), quitte la mère pour aller vers tout ce qui brille, ce qui est inhabituel, étrange. Il veut y aller, la mère le retient, il s'échappe, il a peur, il revient vers la mère qui lui donne quelques claques (certaines mères sont d'ailleurs plus permissives que d'autres). Il se blottit alors contre elle. Et puis, à un certain moment, il repart, et un beau jour il s'en va pour de bon. Il y a donc ce va et vient entre la recherche du giron maternel, la sécurité et le départ vers "ailleurs", vers la liberté. Comment s'opère, et par quel jeu de complicité et de conflit entre la mère et l'enfant, cette émancipation? De quelle façon l'attachement est-il à la fois entrave et condition pour la vie libre?
Il y a là une question majeure. Après que l'enfant humain se soit détaché au sens où l'entend Schaffer (il ne recherche plus la proximité mais au contraire la distance), il conserve avec la mère, et pendant de longues années et pour toujours, des liens d'affection. C'est le problème de l'intériorisation du lien qui, au contraire de la dépendance émotionnelle, peut être durable. Le détachement au sens littéral du terme n'est pas la négation de l'attachement. Le lien change de nature. Mais comment? Et comment l'attachement prépare t'il l'établissement d'autres liens avec d'autres personnes?
Il ne faut pas trop se hâter de répondre. Les réponses de "bon sens" risquent d'être purement verbales et d'entretenir nos préjugés d'adulte, nos illusions introspectives. Quant aux spéculations les plus brillantes, elles apparaissent presque toujours d'une naïveté extrême le jour où nous découvrons les faits tels qu'ils sont. Il ne servirait à rien d'opposer métaphysiquement l'amour intériorisé à l'attachement primaire, comme le désir au besoin, et en fin de compte le psychique au biologique.
Qu'il y ait là une dualité de niveaux fonctionnels, c'est l'évidence. Mais affirmer cette évidence ce n'est rien expliquer à moins de considérer comme explication l'avènement d'un principe psychique à un moment donné, qui transcende le biologique ou qui s'étaye sur lui. A la manière de Bergson qui pose l'esprit sur le corps comme on accroche sa veste à un porte manteau. L'explication est dans la recherche de genèse, de filiation, une création du temps concret: maturation nerveuse, expériences, activité, et aussi la collaboration de l'entourage, le processus de différenciation à partir de la symbiose primitive.
Nous savons aujourd'hui que le corps ne vit pas seulement de nourriture mais de chaleur d'autrui. Le biologique n'est pas seulement défini par les fonctions de respiration, de circulation, de nutrition mais aussi par la recherche du congénère et nous savons que cette fonction jusqu'alors ignorée est déjà observée chez l'animal. En d'autres termes, entre autres ceux que la psychanalyse emploie, les pulsions d'auto-conservation visent non seulement la quête de nourriture mais aussi la présence d'autrui. La notion d'attachement opère alors sans doute une jonction entre les fonctions qui assurent la survie individuelle et celles qui assurent la survie de l'espèce. Elle invite à remettre en cause l'économie dualiste des pulsions, telle que Sigmund Freud pouvait la formuler dans le langage de son époque. L'attachement c'est à la fois un processus d'auto-conservation et d'intégration dans l'espace avec ses deux aspects de socialité et de sexualité. Il n'y a pas de hiatus entre les pulsions d'auto-conservation et les pulsions relatives à l'espèce.
Les expériences sur le rhésus ont aussi permis à Harlow de démontrer à la fois la puissance du besoin d'attachement chez l'enfant et l'existence de systèmes d'affection. Une première expérience est désormais célèbre: un singe femelle élevé dans l'isolement est parvenu à l'âge adulte: elle refuse tout contact avec ses congénères, toute approche du mâle. On procède à une insémination artificielle. Un enfant naît. Elle refuse de le nourrir, elle le maltraite, elle tente plusieurs fois de le tuer. L'enfant pourtant ne se laisse pas rebuter par les mauvais traitements, il s'accroche à elle, il la cajole, et petit à petit la mère se laisse séduire, elle s'attache à son petit. Parallèlement, son attitude à l'égard des mâles se modifie: elle est fécondéesans artifice. Et son second enfant, elle l'accepte avec tendresse.
Les liens se créent dans l'enfance au moyen de systèmes d'affection: système mère/enfant, système père/enfant, système entre compagnons d'âge, si important pour le jeune rhésus puisqu'il peut pallier pour lui la perte de la mère. La notion de système complète la notion de besoin d'attachement. Contrairement à ce qu'on a pu dire, la théorie de l'attachement ne fait pas de l'enfant un être isolé, seul artisan de son développement. Au besoin originel de l'enfant, il faut bien en effet qu'autrui soit disposé à répondre. Cette disposition peut avoir pour racines chez l'adulte ses propres attachements de la prime enfance. Mais elle est déterminée aussi par une très longue histoire. Dans le couple mère/enfant, la mère apporte au tissage des liens, la coloration de sa sexualité adulte. Elle est la séductrice bien avant que son enfant soit séducteur. Dans la symbolique de Freud, pourquoi est-il question uniquement d'Oedipe et jamais de Jocaste, sa mère?